La CGT des Ingés Cadres Techs ont décidé dès leur congrès, au printemps 2018 de faire de la réforme des retraites un enjeu revendicatif et de mobilisation majeur. La campagne retraites a été décidée en septembre 2018 par la CE de l’Ugict-CGT, présentée et validée par le CN de l’Ugict-CGT en juin 2019. Son lancement a été différé pour lui permettre de mieux s’intégrer dans la campagne confédérale « pas de hasard pour ma retraite » initiée en mai 2019 par la confédération (voir le tract retraites confédéral).

L’enjeu de la campagne de l’UGICT

Dans le prolongement de la campagne confédérale :

  • Faire la transparence sur le contenu de la réforme Macron qui va baisser les pensions de toutes et tous et créer une incertitude sur le contenu des droits à venir.
  • Faire de l’enjeu des ressources dévolues au système des retraites la question majeure, et mettre en avant les possibilités de financement pour garantir une retraite dès 60 ans avec 75 % minimum du salaire de fin de carrière.

De façon spécifique :

  • Insister sur l’absence de maintien du niveau de vie et sur les reculs spécifiques liés à la prise en compte de toute la carrière, à la suppression de l’AGIRC et à la remise en cause des dispositifs de solidarité.
  • Démontrer la dangerosité des systèmes par capitalisation.
  • Rassembler le salariat et combattre les divisions catégorielles, ce qui implique de refuser le partage de la pénurie au sein du salariat et d’arrimer notre bataille sur la lutte des classes capital/travail.

Le calculateur mis à disposition par l’Ugict-CGT a pour objectif de compléter pour les ICTAM le calculateur annoncé par la confédération. En effet, le calculateur confédéral ne prendra pas en compte les retraites complémentaires, qui représentent pour les cadres du privé plus de 50 % de la pension.

La construction d’un calculateur individualisé intégrant l’AGIRC et reconstituant les droits avant/après la réforme Macron étant très complexe (voir impossible), l’Ugict-CGT a opté pour une autre solution plus simple : la comparaison, par génération, du montant moyen des pensions par rapport à celui des salaires si les ressources sont bloquées à leur niveau actuel. Ce calculateur simple a pour objectif de matérialiser la baisse des pensions induite par le système « à cotisations définies » de la réforme Macron.

Les ICTAM : un enjeu central dans l’entreprise de casse de la Sécurité sociale de Macron

Exclure l’encadrement de notre système de protection sociale (retraites, chômage) est un enjeu stratégique pour casser notre sécurité sociale héritée du programme du Conseil National de la Résistance.

  • Cela permet d’ouvrir un nouveau marché pour les banquiers et les assureurs en forçant celles et ceux qui en ont les moyens à se tourner vers des dispositifs de capitalisation pour maintenir leur niveau de vie.
  • Cela fragilise le financement de notre système de protection sociale solidaire. Aujourd’hui, les cadres apportent à l’assurance chômage 42 % de ses ressources et n’y puisent qu’à hauteur de 15 %, ils acceptent pourtant sans difficulté de consacrer près d’un mois de salaire par an au financement de l’assurance chômage. Pourquoi ? Parce qu’ils savent que seules les solidarités développées par l’assurance chômage peuvent leur garantir en cas d’aléa de carrière le maintien du niveau de vie procuré par le salaire. Si cette garantie n’existe plus et que la protection sociale est transformée en filet de sécurité pour les plus démunis, financé par l’impôt, cela fragilisera le consentement à l’impôt et viendra directement alimenter le « ras le bol fiscal » et les discours stigmatisants à l’égard de soi-disant « assistés ». Au total se serait toute possibilité de financement d’une protection sociale solidaire qui s’en trouverait compromise.

C’est la raison pour laquelle lors de la création de la Sécurité sociale, Ambroise Croizat s’est battu pour faire reposer son financement sur les salaires et y intégrer les cadres de façon à garantir la solidité financière du système par répartition. La comparaison internationale des systèmes de protection sociale confirme que plus le système est universel et garantit le maintien du niveau de vie à l’ensemble de la population, mieux il protège les plus démuni·e·s.

Stratégie du gouvernement

Le gouvernement a bien identifié le potentiel de mobilisation de la réforme des retraites. Il a donc arrêté la stratégie suivante :

  • En dire le moins possible sur le contenu de sa réforme, et le faire le plus tard possible. Pour mieux occulter le débat sur le contenu des droits, il parle d’une réforme « systémique » et non « paramétrique ». En clair, il explique vouloir changer de système (en transformant les régimes par annuités en régimes par points) pour focaliser le débat sur la façon dont on organise le système de retraites plutôt que sur le contenu des droits, les « paramètres » de la réforme. Et, au passage, fustiger les « favorisé.e.s », les cadres, fonctionnaires, marins, cheminot.e.s ou autres régimes spéciaux.
  • Faire diversion en plaçant l’enjeu d’ « équité » au centre pour mieux évacuer le débat sur le contenu des droits : « 1€ cotisé = les mêmes droits », oui mais lesquels ?!
  • Évacuer d’emblée l’enjeu central du financement du système et considérer comme acquis le fait de bloquer la part de nos richesses consacrées à nos retraites
  • Étirer le calendrier des « concertations », dissocier les sujets de mobilisation et raccourcir le temps du débat sur le contenu. À priori le calendrier devrait être le suivant :
  1. Autour du 12 juillet 2019 : présentation par Jean-Paul Delevoye des résultats de la concertation. À priori seront énoncés de grands principes mais peu de mesures concrètes. Et surtout aucune simulation ou étude d’impact ne devraient être produites alors qu’elles permettraient aux salarié·e·s de mesurer l’impact de la réforme.
  2. Nouvelle concertation pendant l’été, voire l’automne.
  3. Octobre, dans le cadre du Projet de loi de Financement de la Sécurité Sociale, accélération de la réforme des retraites de 2014.
  4. Printemps 2020, après les municipales : débat parlementaire sur le projet de réforme systémique.

Contenu de la réforme du gouvernement

1- Accélération de la réforme des retraites de 2014

Réforme de 2014

A compter de 2020, le nombre de trimestres de cotisation nécessaire pour obtenir une pension à taux plein (sans décote) va augmenter d’un trimestre tous les trois ans jusqu’en 2035. Les actifs nés entre le 1er janvier 1958 et le 31 décembre 1960 devront ainsi justifier de 167 trimestres (41,75 annuités) contre 166 trimestres (41,5 annuités) pour les générations nées en 1955, 1956 et 1957. À partir de la génération née au 1er janvier 1973, la durée de cotisation sera fixée à 172 trimestres (43 annuités).

Ce qui est envisagé par le gouvernement

Augmentation trois fois plus rapide de l’allongement de la durée de cotisation : augmentation du nombre de trimestres de cotisation nécessaire pour obtenir une pension à taux plein (sans décote) d’un trimestre tous les ans. Sur cette base, les 43 annuités s’appliqueraient dès la génération née en 1963.

2- Réforme systémique

La réforme proposée par le gouvernement est un copier-coller du système suédois : gel des ressources, avec un taux de cotisation « fixé une fois pour toutes », si bien que, compte tenu de l’augmentation du nombre de retraité.e.s, les citoyens doivent arbitrer entre un départ à 61 ans avec une pension insuffisante pour vivre ou une pension plus importante sous réserve de décaler son départ en retraite. L’intérêt : plus besoin de faire des réformes impopulaires pour baisser le montant des pensions, il y aura désormais une règle de pilotage automatique. 

Pour qu’un euro cotisé donne le même droit pour tous, toutes générations confondues, il faudrait que chacun récupère au cours de sa retraite la somme (actualisée) de ses cotisations de carrière. Cela implique de calculer la pension en divisant la somme des cotisations de carrière par l’espérance de vie à la retraite. C’est le principe du calcul d’une rente. Plus l’espérance de vie s’accroît, plus la rente est modeste. Plus l’espérance de vie diminue, plus la rente augmente.

Ou encore, plus on reporte son départ en retraite, plus la rente augmente ; plus on anticipe son départ, plus la rente diminue. Il faudrait donc choisir entre le montant de sa retraite et l’âge de départ, ce que le gouvernement présente comme… une liberté de choix !

Aujourd’hui, pour 100 euros annuels de cotisation, les salariés perçoivent des régimes complémentaires AGIRC et ARRCO, qui fonctionnent par points, 6 euros annuels de pension. Au bout de 16 ans et demi (100/6) de retraite, ils ont récupéré toutes leurs cotisations de carrière. Avec une espérance de vie moyenne à la retraite de 25 ans, les salariés récupèrent donc une fois et demie leurs cotisations de carrière pendant la retraite. Avec la proposition Macron, ils ne pourraient au mieux que récupérer leurs cotisations de carrière pendant leur retraite, ce qui signifie un effondrement du niveau mensuel de leurs pensions par rapport à aujourd’hui.

La réforme Macron repose sur une rupture conceptuelle :

  • L’objectif du système ne serait plus de garantir la continuité du meilleur niveau de vie procuré par les salaires, donc de garantir une prestation représentant un pourcentage déterminé du salaire, on parle de système « à prestations définies »…
  • … mais d’équilibrer les comptes du système tout en bloquant définitivement ses ressources (le taux et l’assiette des cotisations) : on parle alors de « système à cotisations définies ».

Un tel système aligne en permanence ses dépenses, en l’occurrence le montant des pensions, sur ses ressources. Il en résulte que si, pour quelle que raison que ce soit, flambée du chômage ou crise économique, le montant des cotisations encaissées n’est plus suffisant pour honorer les droits à retraite, ceux-ci sont, du jour au lendemain, automatiquement et uniformément réduits de manière à rétablir l’équilibre financier du régime. Les salariés actifs et retraités n’auraient plus aucune visibilité sur l’évolution devenue chaotique de leur pension.

Pour masquer la réalité de ses intentions, le gouvernement évoque un système par points : conversion en points des cotisations puis reconversion des points en rente viagère. Sauf que le système qu’il conçoit n’a strictement rien à voir avec les anciens régimes par points du privé, aujourd’hui disparus, l’AGIRC et l’ARRCO, ou avec l’IRCANTEC dans le secteur public : ces régimes par points avaient été conçus pour garantir à l’encadrement un minimum de 72 % du salaire de fin de carrière. Alors que dans le cadre de la réforme Macron, le point de retraite verrait sa valeur diminuer au fur et à mesure de l’augmentation du nombre de retraités et de leur espérance de vie.

Et les régimes spéciaux ?

Le gouvernement envisage a priori l’alignement de tous les régimes sur les mêmes règles, et donc la fin de tous les départs anticipés, sauf pour les professions en uniforme (qui perdraient par contre leurs bonifications et auraient droit à un départ anticipé avec une maigre pension). Par contre, les caisses spécifiques seraient maintenues. Les primes seraient intégrées dans le calcul de la pension, ce qui génèrerait des inégalités très importantes chez les ICTAM de la fonction publique, notamment la fonction publique d’État et les enseignants. Raison pour laquelle le gouvernement envisage d’augmenter les primes des enseignants. Ainsi, la réforme des retraites servirait de prétexte pour importer l’individualisation des rémunérations qui sévit chez les ICTAM du privé, et constitue un des piliers du Wall Street Management.

Pour les ingés, cadres et techs. : le déclassement

Nous savons d’ores et déjà que les ingés, cadres et techs. seront particulièrement pénalisés par la réforme Macron, et que le nouveau régime de retraites ne leur garantira plus le maintien du niveau de vie :

  • Avec la prise en compte de l’ensemble de la carrière au lieu des 25 meilleures années dans le privé ou des 6 derniers mois dans le public, celles et ceux qui ont eu des carrières ascendantes, et donc les ICTAM, seront particulièrement perdant.e.s. Jean-Paul Delevoye ne s’en cache pas, et affiche d’ailleurs cette situation comme gage de justice sociale de sa réforme. Vive le partage de la pénurie !
  • Ceci sera renforcé par la fin des retraites complémentaires AGIRC-ARRCO, et par la limitation à 3 plafonds de la sécurité sociale des salaires pris en compte, contre 8 actuellement.
  • C’est toujours la grande inconnue sur les dispositifs de solidarité (droits familiaux, périodes de chômage, précarité, pensions de réversion…), mais leur montant risque d’être plafonné et/ou forfaitaire.

Les jeunes sacrifiés

Avec l’allongement de la durée des études et de la précarité, et l’allongement de la durée de cotisation à 43 annuités, la perspective de la retraite à taux plein était déjà bien lointaine pour les jeunes qui obtiennent leur premier emploi stable à 27 ans en moyenne. Avec la réforme Macron et le blocage des ressources, leurs pensions vont s’effondrer du fait de la situation démographique, avec une baisse d’environ 30 % du montant des pensions par rapport aux salaires à l’horizon 2050. La revendication de la CGT et de son Ugict, de prise en compte des années d’études et de précarité et donc d’autant plus urgence pour garantir l’adhésion des jeunes générations dans notre système de retraites par répartition.

En ligne de mire : la capitalisation

L’objectif est clairement de renvoyer des ICTAM vers des systèmes d’épargne retraite et de capitalisation. Ceci permet d’ouvrir un nouveau marché pour les assureurs et les banquiers, et d’enclencher une nouvelle phase de financiarisation de notre économie. C’est la casse des systèmes de retraite par répartition en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis qui dans les années 80 a enclenché le mouvement de financiarisation des entreprises avec le développement des fonds de pension.

Emmanuel Macron ne s’en est jamais caché, il veut développer des fonds de pension à la française. Par contre, il sait que c’est une question impopulaire. Sa réforme ne créera donc pas de retraite supplémentaire par capitalisation pour les cadres, mais se contentera de baisser les droits de ces derniers et de développer les incitations à l’épargne retraites pour réorienter leur épargne.

Pour mieux dissocier cette question de la réforme des retraites, il a intégré les mesures de développement de l’épargne retraite à la loi PACTE.

Outils de campagne

L’Ugict-CGT met d’ores et déjà à disposition :

o Un simulateur simple, construit à partir des chiffrages du COR, qui permet à chacune et chacun de comparer pour sa génération le montant moyen des retraites par rapport à celui des salaires avec celui d’aujourd’hui. Le site présente aussi des propositions de financement qui permettraient de financer une retraite à 60 ans avec 75 % minimum du dernier salaire garanti
o « CheckRetraite » sur le modèle de CheckNews
o Un Comparateur « avant / après » la réforme pour les ICTAM
o Un décodeur à partir de citations du programme d’Emmanuel Macron
o Un décryptage détaillé des enjeux répartition vs/ capitalisation
o Le matériel de mobilisation (générateur d’affiches, tract, formation complète)
o Les internautes sont invités à s’y inscrire et à organiser les mobilisations qui s’annoncent nécessaires.

Une journée d’étude complète sera organisée à Montreuil le 26 septembre, pour permettre aux camarades de s’approprier la campagne et de la décliner en territoire.